Récemment j’ai eu la chance de prendre un petit voyage à l’ancien Montréal – c’est-à-dire, la partie qui se fait en français! Une place où on risque d’entendre la vieille langue étrangère dans les rues, voire être adressé en français et sans traduction simulcast.
C’est-à-dire, le Montréal où j’imaginais j’allais habiter. Car le reste de Montréal est en train de s’angliciser, et c’est une place où l’anglais est, il semble, plus vivant que dans n’importe quelle autre grande ville canadienne comme certains soulignent.
C’est vrai, tout ça. Je le sais bien. Parce que moi, je fais partie de cette tendance.
- « Bonjour, voulez-vous vous joindre à ma nation? Une belle place où chacun est le bienvenue, peu importe ses racines! »
Pour moi, il s’agissait d’une expérience spéciale, ce voyage à l’est de Montréal, car je passe la plupart de son temps au centre-ville où j’habite ou plus au nord, où j’étudie à une institution francophone (où plutôt, j’utilise les services de bibliothèque et je quitte aussitôt que possible – à cause de la froideur que je ressens quand je suis là) ou je travaille dans le même coin, en accueillant les clients anglophones qui semblent être offusqués quand je leur accueille avec seulement un «bonjour» !
Au travail, ce sont les américains qui répondent « Bonjour! » avec gusto, comme quelle idée spéciale et amusante, ce bonjour! Ensuite vient peut-être l’apologie – « uh, I don’t actually speak french… » Puis elle me donne une carte-cadeau unilingue ou une pièce de 25 sous qui la trahit. « Oh, are you American? »
Les autres – j’imagine pour le plupart les canadiens en vacances, les étudiants de McGill (avec pull rouge obligatoire) et immigrants anglophiles militants — répondent plutôt avec un « HI» court et pointu. La tolérance?
Mais essayer activement d’apprendre le français en Montréal, en tant que jeune anglophone, c’est un défi qui se passe presque sans récompense. Ainsi on dérange tout le monde autour de nous. Surtout les francophones, dont une moitié, il semble, veulent juste te parler en anglais, afin de pratiquer, peut-être recevoir des cours d’anglais gratuits sans devoir déménager nulle part, ou se vanter de leur tolérance; et l’autre moitié qui veulent rien à voir avec un anglophone ou autre personne toujours tentant d’apprendre le français. Une personne qui mélange quelques mots ou qui utilise un adverbe bizarre. Peut-être ils disent bonjour afin d’être polis. Mais est-ce qu’ils t’invitent à leurs fêtes? Leurs soirées au Café Campus?
Pour le jeune étudiant de français, le message devient clair : ça vaut pas la peine! Pourquoi essayer de faire quelque chose quand tout le monde lutte contre tes efforts? Quand tu te sens chanceux d’avoir rencontré une amie dans ce nouveau pays étranger et froid, pourquoi tu vas la laisser tomber à cause du seul fait qu’elle parle la même langue que toi?
- « Fêtons en français » — Enfin invité dans une fête avec les francophones — belle stratégie, mon gars!
Et pour les autres anglophones, quand tu essaies avec le français, la question devient « pourquoi tu fais ça? » Why are you being weird? J’en connais une qui avait fait la tour des universités anglophones à Montréal et travaille présentement en anglais pour une organisation activiste ou autre – et elle a toujours du mal à commander une poutine d’un menu français. Pas besoin du français, évidemment! Alors quit being weird, be tolerant!
C’est ma faute. J’aurai pu choisir un quartier moins anglicisé. J’aurais dû passer plus de temps dans les livres, réécrivant les aventures de Sophie-Anne et Mélanie dans leur nouvel appart en mettant la bonne forme du verbe dans l’espace. Mais je faisais ça amplement dans mon pays natal. Et je voulais passer aux gens de langue maternelle qui n’existaient pas là-bas. Enfin il semble qu’il faut que j’aille à Trois-Rivières, si j’accepte de devoir m’acheter une voiture, ce que je voulais éviter en déménageant dans une ville dite grande, où à Paris – si tu veux être entouré par le français.
Je pensais qu’en allant étudier à une institution francophone les choses allaient être différents. Mais c’était la même dichotomie j’exposais en haut. Soit j’étais le prof d’anglais à rabais, soit un con, étranger bizarre qui était prima facie contre le Québec et sa langue, soit trop macho, ou dieu sait en quoi j’étais si insupportable.
C'était l'idée, au moins!
Apprendre le français à Montréal, c’est se battre contre tous ces jeux chaque jour.
Heureusement, je n’ai pas lâché, rempli de ressentiment. Je continue à écrire sur ce blogue, qui devient le questionnement d’un nouvelle montréalité qui tient compte du fait français – à l’encontre d’un certain blogue qui est nommé dans ma section « liens ». IL s’agit de ma dernière chance de communication avec la communauté francophone. C’est à cause de ces expériences que je me rends compte que la question s’avère beaucoup plus complexe que la réaction plutôt ignorante où l’insiste que « ils devraient apprendre le français, eux!». Ah, oui. Juste comme ça.
Si on risque de l’emblée de s’en foutre de votre français, j’imagine que les expériences telles comme j’ai décrites rendraient le pourri-gâté-jeune-du-premier-monde typique plutôt fâché, non seulement de sa déception mais de la colère instinctif du rejet.
Alors il semble qu’un offensif de charme soit nécessaire – si vous voulez que les immigrants s’intègrent au français sans un motif caché pour le détruire ensuite, intégrer-les vous-mêmes! Je me rappelle avoir vu comment le site web de l’OQLF conseille d’être une « personne francisiante » en imposant brusquement le français sur les étrangers. Invitent-les plutôt chez vous, demandez s’ils ont besoin d’aide avec leur français, parlez lentement et bien. Aidez à valoriser le français comme une place accueillant, où les choses intéressantes se passent, pour vous aussi bien que pour eux.
S’il reste une question de législation, de guerre interpersonnelle, la froideur entre peuples, les francophones risquent bien de perdre la guerre morale. Et, puisque les cartes sont tirées à leur encontre, c’est ce qui risque d’être la cause de la perte du combat pour la survie de la langue.
C’est ainsi que je pensais quand mon voyage vers l’est de Montréal commençait ….